En rentrant dans la jolie salle du Théâtre de Paris, l’hommage à Serge Reggiani est déjà présent avec, au fond de la scène, quatre grands magnifiques portraits de celui-ci. Sous un fond de piano, le spectacle commence avec sa voix récitant Le temps qui reste. Puis, le piano continue, et la voix d’Isabelle Boulay prend le relai avec L’italien, puis s’ensuit Ma liberté. Alors, on se dit, elle a déjà chanté deux de ses plus connues, que va-t-elle pouvoir bien faire maintenant ? Chanter les autres, celles de son album Merci Serge Reggiani, mais aussi d’autres moins connues du grand public et tout autant sublimes, comme L’absence, Ma solitude ou bien encore Le vieux couple.
Isabelle nous promet de ne pas trop parler. On le sait, elle adore ça. Elle tiendra pratiquement sa promesse. Et, finalement, on ne lui en voudra presque pas de présenter quasiment chaque chanson et leur auteur, tellement ses mots sont délicats, tendres et drôles. Elle nous parle de Serge, de leur première rencontre, de leur duo, de ces moments magiques qu’elle a partagés avec lui, qu’elle partage à son tour avec nous pour qu’ils demeurent toujours. Elle a les mots qui touchent. Elle reprend ses chansons comme s’il les lui avait offertes en souvenir de leur amitié. Elle chante l’amoureux de la vie qu’il était. Elle chante ses amours avec De quelles Amériques, T’as l’air d’une chanson, Il suffirait de presque rien, Je t’aimerais. Elle chante ses amitiés avec notamment Si tu me payes un verre. Elle ne change aucun mot, aucun texte. Oui, ce sont des chansons d’homme, écrites par des hommes, écrites pour des femmes. Alors, avant de nous interpréter Sarah, la femme qui est dans mon lit, elle nous propose de nous imaginer que dans une autre vie, elle sera un homme. Et ça marche. Ou, alors, tout simplement, la beauté de sa voix, la perfection de son interprétation nous font oublier qu’elle est une femme qui chante des chansons d’homme, tellement elle les chante bien.
Le spectacle est à l’image de ce qu’est Isabelle Boulay : sincère, simple, classe et délicate à la fois. Pour que son spectacle soit encore plus épuré, elle a choisi d’être en scène qu’avec deux musiciens. Un qui touche à tout, il joue tout aussi bien de la guitare, de la basse, des percussions que du violon. Le second, qui l’accompagne seul un long moment, elle le connaît depuis ses 16 ans, à elle. A l’époque où, déjà surdoué du piano, il accompagnait des grands noms de la chanson francophone. Pour lui faire plaisir, elle reprend La chanson de Paul.
Le spectacle s’achève avec un magnifique texte sur l’enfance de Jean-Loup Dabadie, un des principaux auteurs de Serge avec Le déjeuner de soleil. Puis, dans un dernier rappel, Isabelle reprend Ma fille. Le temps de nous quitter est arrivé. Ce spectacle va résonner en nous comme un sublime souvenir, comme l’était Reggiani le comédien, Reggiani le chanteur. Ce soir, une alchimie s’est opérée entre l’âme de Reggiani et la voix d’Isabelle. Cette voix si douce, si profonde, à la brisure parfaite, à l’émotion à l’état pur. Peu d’interprètes reprennent un répertoire pour en faire quelque chose d’aussi parfait, tout en gardant l’émotion de l’interprète principal intact. Comme il le chantait, comme elle nous le chantait «Venise n’est pas en Italie… c’est l’endroit où tu es heureux…». Ce soir, nous étions à Venise et Isabelle y était tout simplement majestueuse !
A voir et écouter, à revoir et réécouter sans modération !