C’est entre deux coachings que j’ai eu le plaisir d’interviewer Sophie Delmas. Pendant une petite heure, avec la simplicité et la générosité qui la caractérisent si bien, elle m’a retracé son parcours musical qui compte déjà plus de 23 années. Cet après-midi là, la vie m’a tout simplement mise au bon endroit, au bon moment, avec la bonne personne pour parler émotions et réalismes.
Voici donc quelques extrait de l’interview d’ une artiste et une femme passionnée, heureuse et épanouie, dont la carrière a eu, certes, quelques bémols, mais pas la moindre fausses notes…
A quel âge as-tu commencé à chanter? A vouloir faire ce métier?
Si je dois remonter vraiment à la toute première fois où je suis montée sur scène, j’avais 8 ans. C’était dans un gros spectacle qu’avait réadapté sur scène mes grands parents qui étaient chanteurs d’opéra et d’opérette et qui avaient donc une grande troupe à l’époque. Ils m’avaient donc fait chanté une petite phrase dedans. Puis, j’ai arrêté mes études l’école, ma vie d’adolescente pour vraiment démarrer ce qui est devenu définitivement ma vie à 17 ans. Je sais pas si je tiens ça de mes grands parents, si c’est la relève comme on pourrait dire, mais en tout cas je n’ai pour ainsi dire jamais eu de doute malgré les hauts et les bas qui sont plus que courant ds ce métier.
Faire à 25 ans à peine, les chœurs de Mariah Carey, ça fait quoi?
Ça fait du bien… C’est chouette. C’était une expérience formidable, même si très honnêtement, on a eu très très très peu de relation avec elle. Là, Mariah Carey était au top de l’apogée. C’était énorme et une très belle expérience d’être dix minutes sur scène à Bercy devant 13 000 personnes derrière elle. Toute l’émotion et toute la folie qui en découlent…
Valéry t’a « découverte » en t’écrivant ton premier single Je le veux l’été 1997, il fallait donc obligatoirement que tu sois sur L’ombre d’un géant, ou tu as quand même passé un casting?
Trois ans après ce single, il a abouti à l’écriture d’un spectacle musical auquel il tenait beaucoup qui est donc L’ombre d’un géant, et c’est tout naturellement qu’il est revenu vers moi pour que j’interprète le rôle d’Aurore, en tout cas déjà pour les maquettes. Il était évidement que c’était le rôle qui me ressemblait le plus. Donc, je n’ai pas eu a passé de casting parce qu’il y avait quand même déjà un vécu. Tout comme d’ailleurs Rose Laurens, c’était aussi une rencontre avec François et pour lui ça ne pouvait être qu’elle. C’est vrai que c’est ça la vie, il faut être au bon endroit, au bon moment avec les bonnes personnes. Notre métier se résume à ça, au gros facteur chance, au delà d’avoir du talent, il y le gros facteur chance.
Comment t’es tu retrouvée sur Autant en emporte le vent ?
J’ai passé le casting, et je n’ai pas été prise. Six mois sont passés. C’est une anecdote que je raconte toujours parce que, définitivement, c’est un peu la fée clochette, quand ça doit être ton destin et que ça doit être toi, la vie fait qu’on te met au bon endroit, au bon moment, avec la bonne personne. Et donc, ça a été vraiment au hasard d’une soirée (où pourtant je suis tout sauf friand des soirées dans ce métier) où par mégarde, j’ai bousculé Dove Attia, qui du coup m’interpelle. De là s’ensuit une conversation intéressante où je lui remémore que j’avais passé le casting pour Autant en emporte le vent et il s’est interrogé en me disant «Mais pourquoi on ne t’a pas gardée, je comprend pas». Et, à priori, ils n’étaient toujours pas en fait unanimes sur le rôle de Belle Watling, Je me suis retrouvée, alors, à ce que 48 heures plus tard, Bruno Berberes, le directeur de casting, m’appelle et me dise : « Dans une heure, t’es dans mon bureau, je te montre la chanson du rôle, tu l’apprends, et après demain t’es au Palais des congrès, devant tout le monde », dont Gérard Presgurvic. Alors là, c’est gros coup de pression. Il faut tout, tout de suite, et très vite et puis bien! Je me suis donc retrouvée au Palais des congrès. Il n’y a pas de secret, je ne cesserai de dire que de faire auditionner les gens déjà sur une chanson du rôle pour lequel on les imagine, c’est là qu’on voit toute l’ampleur, qu’on se rend compte. J’ai donc chanté la chanson Putain qui n’est quand même pas rien. Ils m’ont quand même fait un petit peu mariner, une semaine, ce qui paraît un an, pour après m’annoncer, qu’à l’unanimité, j’avais décrocher le rôle. Ce qui m’a peinée c’était pour toutes celles qui étaient depuis des mois à attendre parce que moi je l’ai vécu aussi et ça s’est terrible. Bon là, ça été la vie qui voulait vraiment que ce soit comme ça.
Pourquoi avoir rebondie sur une autre comédie musicale et ne pas avoir attendu un peu et chercher une nouvelle production pour sortir ton propre matériel?
Bien sûr on m’a écrit plein de chansons, j’ai essayé des choses, mais je n’ai jamais eu les bonnes chansons. Et, quand on est passionné par ce qu’on fait, qu’on aime être sur scène, moi j’aime beaucoup l’esprit de troupe, j’aime cette vie là, et bien on continue à tracer dans ça, parce que ça c’est factuel, ça existe, c’est concret. Et, c’est vrai que je sais pas si Obispo, par exemple, avait eu un coup de cœur et me disait « Voilà je t’écris un titre », sûrement que là, je me serais intéressée à moi. Ça n’a pas été le cas, donc j’ai été là où j’ai été heureuse aussi, là où il se passait des choses. Ça a été sans regret.
Depuis, tu as enchaîné d’autres comédies musicales, comme Rimbaud, Dothy et le magicien d’Oz, quelles sont celles qui t’ont le plus marquées? Que tu as le plus aimé faire?
Alors, entre Autant en emporte le vent et aujourd’hui, plus de cinq ans ont passé. C’est long. C’est là qu’on rebondit, qu’on tisse autre chose. Donc, depuis j’ai enchainé sur d’autres comédies musicales. Je me suis beaucoup investie sur des choses, comme sur Rimbaud écrit par Richard Charest et Arnaud Kerane. Les moments partagés pour essayer de faire des lectures, pour essayer de faire vivre le spectacle ont été de super moments. Malheureusement, ça n’existe pas, en tout cas il n’y a pas eu encore de production sur ce projet mais je souhaite plus que tout à Richard et Arnaud que ça marche. Après, il y a eu un très beau projet, Dothy et le magicien d’Oz, où là j’ai passé un casting même en connaissant très bien Dove Attia et Albert Cohen. Ils ont, au pied levé, comme ça, imaginé un spectacle sur le magicien d’Oz, qui a été au Grand Rex, en 2009. Artistiquement, ça m’a comblée, parce que trois rôles en un spectacle, avec des personnalité différentes, notamment vraiment deux rôles, parce que le rôle de Tante EM c’était vraiment minuscule, mais sorcière du nord, sorcière de l’ouest, passer de quelque chose de rayonnant et positif au personnage sombre de la sorcière de l’ouest… ça, ça a été un vrai challenge pour moi, entourée que de bombes atomiques, en tout cas beaucoup de métier. Et, les enfants ont été au rendez-vous et ça a été magique et un succès. J’ai une affection vraiment particulière pour ce spectacle qui va revenir et revenir encore, mais malheureusement je ne pourrai plus jouer dedans.
Faire des Palais des sports complets et quelques années après se retrouver sur une péniche avec peu de moyens et une petite cinquantaine de personnes, c’est se prendre une claque ou c’est les aléas du métier ?
C’est effectivement et définitivement le fonctionnement de notre métier. Il faut en avoir conscience. C’est pour ça que j’en reviens à ce que je disais au début de l’interview, que je n’ai jamais, mais jamais changée, en tant qu’être humain, que ce soit période Palais des Sports, que ce soit Mogador, que ce soit plein de truc comme ça, Mariah Carey… Il faut le savoir, il faut l’assumer, et même quand on reste simple et qu’on le sait, ce qui est mon cas je pense, c’est quand même difficile parce qu’artistiquement, nous on évolue, on grandit. C’est à dire qu’il y a une maturité qui s’installe et tout d’un coup quand on doit passer du Palais des Sports à refaire une soirée privée avec des gens qui vous écoutent pas ou un bar, c’est violent. C’est peut-être de l’orgueil, je ne sais pas. Mais artistiquement, ça vous tire vers le bas, ça n’aide pas. Donc, ça, il faut le savoir, parce que sinon on est malheureux, et il vaut mieux pouvoir encaisser ça.
Tu as monté deux spectacles musicaux, Showllywood et Bonjour Paris, comment sont-ils nés? Imaginés? Mis en place?
J’ai effectivement conçu des spectacles liés à l’événementiel, et non pas pour de grandes salles, je n’ étais de toute façon pas assez médiatisée pour que ça marche. On peut faire vraiment de belles choses dans notre métier, ce qu’il faut c’est se faire plaisir, c’est être heureux sur scène, quelque soit la scène, c’est ça qui est important. Donc, deux spectacles. Un sur les grandes chansons de films et spectacles musicaux de la grande époque Hollywoodienne et «Bonjour Paris» qui est né grâce à un grand monsieur qui s’appelle Pierre Cardin… un de ces grands messieurs qui ont des coups de cœur pour des gens comme ça et puis qui leur donnent des opportunités dingues, comme de m’offrir l’Opéra de Saïgon, pour un soir . Ça, c’est le truc improbable !! Il m’avait vu dans son théâtre à l’espace Cardin pour un événement. Il était dans la salle aux répétitions et il a été très touché par ce qu’il se passait, et c’est comme ça qu’il m’a abordé. Il m’a emmené une première fois au Vietnam pour un grand gala de charité Puis, une deuxième fois où j’ai donc été seule en scène, avec mon pianiste Franck Monbaylet pour un grand récital sur la chanson Française. Ces spectacles, j’y tiens, peut-être qu’un jour je les referai… ou pas… mais ils ont existé, ça m’appartient.
Bonjour Paris joué dans les ambassades françaises un peu partout dans le monde, c’est une consécration?
Effectivement, ce fameux Bonjour Paris je l’ai baladé un petit peu à l’étranger. J’ai fait deux-trois tournées, surtout dans les pays du Golfe, où j’ai été conviée par les ambassadeurs de France de Riyad et de Djeddad, et où toutes les personnes présentes vous regardent et vous écoutent avec une attention qui est rare aujourd’hui, donc j’avais vraiment le sentiment d’être une artiste. Ça, c’était des jolis moments qui n’appartiennent qu’à moi, et qui m’ont permis aussi de faire passer ces années où il se passe tout d’un coup des belles choses entrecoupées de longues semaines où il ne se passe rien. (rires) Mais bon, ça, c’est pareil, ça fait parti du métier.
La consécration ne serait pas meilleure si au moins l’un de ces spectacles était joué à guichet fermé dans une salle parisienne?
Ben évidement. Oui, bien sûr. Jouer un spectacle à guichet fermé dans un grand théâtre, ça n’a pas d’équivalence. Néanmoins, ça, ça n’arrive qu’à tellement peu de gens comparé au nombre d’artistes qui existent et qui ont du talent, que c’est bien d’avoir le sentiment que ce soit la consécration sur les marches de l’ambassade de France à Ryad. Ça permet d’être à fond, de donner vraiment le maximum et d’avoir le sentiment de faire de belles choses. C’est très important d’avoir ce recul là.
Depuis quelques années, tu donnes des cours de chant et d’expression scénique, c’est le hasard de la vie qui t’a amenée à faire ça, ou c’est quelque chose que tu as vraiment voulu?
Oui, c’est le hasard. Ma meilleure amie qui travaille déjà à ses cotés (Richard Cross), m’a parlé de la formation des formateurs qu’il fait. J’ai suivi cette formation en me disant que peut-être… comme le fait depuis 50 ans mon grand-père qui est toujours professeur de chant lyrique à 81 ans quand même, il faut le dire, je me suis dit que c’est vrai que c’est logique après de transmettre et d’apprendre aux autres. Puis, j’ai eu la chance d’être très vite intégrée en tant que coach. Et ça, quelque soit ma vie artistique à partir d’aujourd’hui, je sais que ça sera mon avenir. C’est comme ça, parce qu’on a pas toujours vingt ans, il faut en avoir conscience. Je coache aujourd’hui des jeunes artistes, des artistes confirmés, des professionnels. J’adore faire ce travail avec eux notamment la préparation de casting, on peut être très pro et avoir besoin de recul, de re-synthétiser certaines choses, ça me passionne. Je fais aussi du coaching d’entreprise : quand vous avez des challenges du style 45 min pour driver 300 banquiers et, qu’à l’unisson, ils se mettent à chanter la même chanson, c’est extraordinaire. L’énergie qui en découle. L’envie. La dimension que je donne à mes coachings est au-delà de la pure technique, c’est beaucoup le mental de l’artiste, travailler sur l’humain, de voir des résultats c’est extra!!! voir des artistes réussir leurs objectifs, se dépasser, combattre mieux leurs points faibles grâce au travail effectué ensemble c’est extrêmement gratifiant. Tout me passionne. J’ai créer un atelier comédies musicales avec 15 amateurs. Chanter est devenu pour eux en quelques mois indispensable.
Crois-tu que la médiatisation fait donc la carrière?
Ça aide, ça c’est sur que ça aide. Mais, c’est pas vraiment la médiatisation, ce qui fait vraiment qu’une carrière avance, c’est l’actualité. Quand on la chance d’avoir une actualité permanente, en tout cas récurrente, qu’on attire encore l’attention des gens parce qu’on vient par exemple de finir Autant en emporte le vent, donc là, ça tient, mais au bout de quelques mois, non. Et c’est normal. Moi, après Autant en emporte le vent, j’ai pas eu l’opportunité d’enchainer. Et, si vous n’avez plus rien à dire, enfin à annoncer de médiatique, par la force des choses… Il n’y a pas de secret. Même des gens médiatiques, s’ils n’ont pas d’actualité…, ça tient plus longtemps parce qu’ils sont connus mais au bout d’un moment, il faut qu’il se passe autre chose.
Pourquoi après chaque comédie musicale, dont certaines étaient médiatisées, tu n’as pas tenté un retour solo ? Tu n’as jamais rêvé de ça au fond ? Pas carriériste pour un sous ? Ou tu penses que si ton destin avait été d’avoir une carrière solo, elle se serait faite « naturellement » ?
Parce que je n’ai pas rencontré les personnes, l’équipe de créatifs, qui allait faire que musicalement j’étais différente d’une autre. Aujourd’hui, ce qu’il faut c’est être différent, pas forcément meilleur, mais original. Il faut apporter quelque chose, le truc qu’on a pas encore vu, pas encore entendu. Et, ça, c’est extrêmement difficile. Artistiquement, je suis cataloguée comme une chanteuse à voix et franchement on a pas besoin de moi, parce que beaucoup d’artistes très connues ont déjà pris la place. Quand on a cette conscience là, et moi je trouve que ça a été ma force, on tisse autre chose et on va vers autre chose sinon je serais malheureuse aujourd’hui. Depuis quelques années, il n’y a beaucoup moins de production d’artiste, on ne construit plus vraiment de carrière. On vit dans l’ère du numérique, le virtuel, l’internet, les ventes en ligne ont tout changé. Je suis mon parcours qui est avant tout la scène, ç’est ce qu’il y a de plus important pour moi. Plus le marché du disque s’effondre, plus la scène et le live prennent une ampleur considérable dans les carrières des artistes. J’ai fondamentalement l’envie de réaliser de belles choses, d’être reconnu mais pas à n’importe quel prix. Une carrière, ça peut être simplement avoir plein de projets, plein de choses qui font qu’à chaque fois qu’on monte sur scène quelle que soit le lieu ou le pays, on se dit fondamentalement qu’on est à sa place, les applaudissements du public sont pour moi un vrai cadeau et à chaque fois je me dis qu’il n’y a rien de mieux que d’être là ici et maintenant.
2010 va être importante avec l’arrivée de Mamma mia en France où tu y interprète le premier rôle, parles-moi en un peu ?
Oui, effectivement, 2010 va être une année importante avec un projet très important à mes yeux c’est Mamma mia, qui arrive à Mogador à l’automne prochain, et dans lequel j’aurai le bonheur d’interpréter le premier rôle, celui de Donna. Ça, ça été un cadeau. J’ai l’impression qu’en fait tout ce que j’ai fait dans ma vie, ça aura été pour ça. Pour moi, c’est la consécration. Donc, oui, 2010 grande année, grosse année. Je suis impatiente, et très heureuse. Je me suis vraiment battue au casting. J’ai vraiment condensé tout ce que ma vie professionnelle m’a appris. Je n’ai rien laissé au hasard. Et, comme me l’ont écrit si gentiment plus de 150 personnes sur facebook, il paraît que je le mérite, donc je fini par me dire que oui je le mérite. J’ai été patiente, et pas pour rien.
Comment tu as appris que le rôle de Donna était à toi?
Je sentais déjà sur le dernier tour d’audition qu’il n’y avait plus grand monde sur le rôle (rires). Ils m’ont fait faire des tests avec la jeune artiste qui jouera le rôle de ma fille. Il n’y avait que moi ce jour-là, donc je me suis dit que c’était peut-être bien parti, mais bon après on ne sait jamais… Et, j’ai eu, le lendemain, un appel pour me confirmer que j’avais été choisie . Ça a été mon plus beau cadeau de Noël.