Le décor est intimiste et simple. Une rampe de lumière et un écran géant pour nous imaginer dans le Paris des années 30-40 et pour, plus tard, dans la soirée nous projeter des images de la môme Piaf. Patricia rentre en scène et dans une prière commence le spectacle par Mon Dieu.
L’orchestre symphonique n’est pas là. Il est remplacé par trois musiciens, un pianiste, un violoniste et un accordéoniste-guitariste. Ce dernier s’occupe aussi de la programmation. Patricia Kaas enchaîne les premières chansons de Piaf, celles par lesquelles tout a commencé comme avec Paris, et y glisse peu à peu quelques classiques avec Padam padam, La foule. Le danseur qui l’accompagne l’entraine et nous entraine dans ses danses contemporaines et sensuelles. Dans cet hommage, qui se veut décidément bien différent de tous ceux qui ont pu être fait auparavant, Patricia reprend même la toute première chanson de Piaf qu’est L’étranger. Chanson totalement inconnue par le public, Patricia se l’approprie totalement, un peu comme si Piaf lui avait écrite et donnée.
Le spectacle avance, le rythme est soutenu, le côté théâtral aussi. Patricia joue la femme devenue folle par amour perdu avec Les blouses blanches, l’alcoolique dans Mon vieux Lucien, la femme sensuelle dans Milord, avec une vidéo où elle séduit Alain Delon. Les chansons d’amour sont les plus importantes dans ce répertoire, comme elles l’étaient dans celui de Piaf. L’amour perdu, l’amour fini, l’amour puissant et destructeur, l’amour infini et véritable. Piaf savait retranscrire les émotions. Kaas le fait tout autant avec la profondeur et la puissance de sa voix. On sent, on ressent tous ces amours chantés, que ce soit dans Avec ce soleil, T’es beau tu sais, ou bien encore avec La belle histoire d’amour, et des gants de boxes aux mains.
Comme on le voulait, Kaas ne se contente pas de reprendre juste les standards pour que le public chante avec elle. Kaas n’essaye pas d’imiter Piaf, et de lui rendre un hommage ordinaire et conventionnel. Non, Kaas reprend du Piaf en se l’appropriant,comme on l’espérait. Kaas est cette femme qui dit à un homme qu’il est son manège à elle, à qui elle chante T’es beau, tu sais, qui nous parle de son gars comme dans C’est un gars et Ma vie en rose. Patricia vit les chansons et nous les fait vivre. L’orchestration, choisie et voulue par Kaas, sublime son interprétation, et nous envoûte.
Kaas n’oublie pas son public, ses fans qui pourraient être déçus qu’elle ne chante que du Piaf. Elle l’interpelle, le fait chanter, lui demande de se lever et de faire du bruit, un peu comme pour mieux savourer le moment. Patricia Kaas joue à chaque chanson, et nous emporte dans ses amours, dans ses douleurs et dans ses joies. Celles de Piaf sont maintenant les siennes. Le spectacle s’achève avec les plus connues que sont L’hymne à l’amour et Non, je ne regrette rien. Le public est debout, une fois de plus. Le public est ravi. Les amoureux de Piaf n’auront pas eu la sensation que Piaf a été mal repris, mal chanté. Les amoureux de Kaas auront vécu un moment délicieux par la beauté de sa voix qui prend toute sa splendeur dans des thèmes graves et délicats. Ceux qui ne connaissaient pas vraiment Piaf l’écouteront attentivement après.
Kaas chante Piaf, oui, mais pas la chanteuse, pas l’interprète. Kaas chante Piaf l’auteur, et tous ceux qui ont écrit et composé pour elle… Un peu comme si 50 ans plus tard, les chansons lui étaient offertes pour les donner à son tour à son public…