Céline Duhamel – Actrice – Février 2015

C’est dans une petite brasserie parisienne, pas très loin de la station Gobelin que Céline Duhamel a accepté de répondre à quelques-unes de mes questions.

Celle qui, dès 6 ans, décida qu’elle serait comédienne, a connu un parcours atypique, plein de rebondissements, de plaisir de jouer et d’écrire. Elle a fait ses classes dans des écoles de comédies, notamment au conservatoire du 16ème, où elle y reçut le premier prix. Pour elle, ces diverses formations lui ont permis d’apprendre à porter sa voix, d’avoir une diction correcte, construire un personnage. Pourtant maintenant, elle dirait que cela lui aurait surtout servi, si elle l’avait compris à l’époque, à se faire des contacts dans le métier : « C’est aussi effectivement l’occasion de croiser des gens, de créer des amitiés. Il y en a un qui deviendra auteur, l’autre réalisateur. Cela n’a pas été mon cas, car je n’ai pas été tellement efficace sur ce coup-là. Je n’avais aussi pas compris que cela marchait comme ça. ». C’est donc ce qu’elle dit aux jeunes artistes de maintenant à qui elle donne de temps à temps des cours : « Il faut profiter de ces formations pour se faire une famille dans le milieu ». Elle ne regrette cependant pas son parcours car dit-elle, elle « a été tous azimuts, cela lui a permis de faire un beau parcours, mais plus risqué. ».

Son parcours, parlons-en, à la fois comédienne de théâtre, actrice de film, de série et de pub, voix de doublage pour des séries américaines ou bien pour des jeux vidéo. C’est d’ailleurs avec une certaine émotion et un peu amusée qu’elle se souvient de sa première apparition télévisuelle, dans un épisode de Marie Pervenche : «Je jouais une chef de bande, loubarde, trash, voire un peu tortionnaire. C’était très drôle, mais ce qui l’était plus, c’est que j’avais été engagé avec ma moto, qui était à l’époque une 900BMW, qui est tout sauf une moto de loubarde. Le contraste était assez drôle. ».

Elle raconte aussi qu’elle avait adoré faire la pub Charal en 2010, tout en reconnaissant que, pour elle, jouer une pub, c’est moins important que jouer dans des films : « C’était vraiment marrant à faire, mais ce n’était pas grave non plus si je n’avais pas été formidable, et si cette pub n’avait pas été célèbre. Il n’y avait pas un enjeu télé, cinéma ou théâtre. On met plus le cœur sur la table dans ces cas-là. Enfin, ce n’est pas pour ça non plus qu’on travaille mal et qu’on fait n’importe quoi. ». Céline Duhamel avait donc très bien travaillé pour cette pub, puisqu’elle a reçu un prix d’interprétation pour celle-ci.

Quand elle ne fait pas du théâtre, Céline Duhamel a une autre corde à son arc : le doublage et les voix off (publicité, documents sons et lumières)… Ce qui lui plait dedans ? C’est simple : « On doit saisir extrêmement vite la situation, il n’y a pas de répétitions, il faut une qualité de rapidité. On doit être un artiste concentré au moment du doublage. Au théâtre, on a le temps de répéter. Au ciné, à la télé, on peut faire différente prise, mais pas au doublage. Tu n’as pas tellement droit à l’erreur. L’ambiance ne s’y prête pas du tout. C’est un milieu financier, ça coûte cher, c’est la rentabilité de chaînes de télé. Tu dois être à 120%. Cela est encore plus vrai pour les jeux vidéo. On te donne une information, une indication et tu dois envoyer tout de suite. ».

Entre 2005 et 2007, elle joue sur la scène des grandes salles, un peu partout en France, en interprétant la mère du Roi et Lavoisin dans le Roi Soleil, la comédie musicale qui a révélé Christophe Maé et Emmanuel Moire. Pour elle, c’est une expérience exceptionnelle : « En tant qu’acteur de théâtre, on n’est pas confronté à ce genre de salle. On n’a aucune raison de se retrouver à Bercy. C’était la première fois qu’une comédie musicale faisait appel à des acteurs de théâtre avec de vrais rôles de théâtre. On est dans notre domaine d’acteur, mais en même temps dans un domaine de show, et confronter à des salles de parfois plus de 6000 personnes. Cela ne change rien pour nous, parce qu’on est fait pour ça, pour jouer. On a juste un micro en plus, ta voix est projetée de façon magistrale dans un lieu qui l’a met en valeur, donc, pour l’égo, c’est très bon. ». Après avoir connu une notoriété soudaine, on pourrait croire que l’après fut dur à vivre pour elle, mais non, Céline Duhamel est une battante, une professionnelle. La fin du Roi Soleil a été triste pour elle, mais vis-à-vis des jeunes artistes qui y étaient : « J’ai énormément pensé à eux. On est tous considéré, à ce moment-là, comme des rock stars, avec les paillettes, les fans, et ce n’est pas normal, parce que quoiqu’il arrive on n’est pas les Rolling Stones, et encore moins nous les acteurs. Alors, passer du stade de rock star à l’anonymat, à la difficulté de trouver un cachet, c’est difficile et j’ai vraiment pensé à eux. Je savais ce qu’ils allaient vivre. Moi, je l’ai bien géré, car j’ai de l’expérience, je sais comment ça fonctionne. D’ailleurs, avec Pierre Forest, qui jouait Molière et Mazarin dans le Roi Soleil, juste après la fin du spectacle, on s’est retrouvé pour jouer une fois de plus A la table des mots, que j’ai écrit il y a longtemps pour des évènementiels. Tu vois le décalage par rapport à un Bercy, une salle intime ? Très vite, il faut redescendre sur terre. ».

Son but final n’est pas forcément d’écrire tout ce qu’elle joue. D’ailleurs, pour l’instant, elle n’a mis en scène que 3 de ses pièces, A la table des mots, entre autres dans le cadre d’évènementiels, ce qui est pour elle différent que de mettre en scène une pièce qui va se jouer plusieurs mois d’affilé. L’idée de tout faire sur un spectacle la tente donc : « Mener jusqu’au bout quelque chose que j’ai eu dans ma tête, effectivement, ça me passionne. Maintenant, je suis très attachée à la distance qu’il faut savoir garder. Quelqu’un qui crée un univers dans sa tête doit à un moment donné, je pense, le confier à une autre personne pour créer une distance avec le côté passionnel de la chose. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait avec Le Manuscrit de Rembrandt. Je l’ai confié à Patrick Courtois, un metteur en scène. Il a su respecté l’auteure tout en apportant aussi quelque chose en plus, comme la distance nécessaire pour le mettre en scène comme il faut. C’est vrai que j’y pense, et qu’à un moment donné, il va falloir que j’y passe. C’est une suite implacable. ».

On est au milieu de l’interview, les gens affluent dans la brasserie pour y déjeuner, et la conversation nous amène à son sujet préféré depuis déjà 15 ans : Rembrandt et sa pièce Le Manuscrit de Rembrandt. Écrire ce spectacle ne s’est pas fait en quelques minutes, l’idée ne lui est pas venu devant son Bœuf écorché, non, absolument pas. Elle me raconte donc qu’il y a une quinzaine d’années,  que quelqu’un lui propose de prendre tous les livres d’une bibliothèque dont il souhaitait se débarrasser. A cette période compliquée de sa vie, faire le déménagement de cette immense bibliothèque lui était impossible. Par politesse, elle prit deux trois livres, dont un petit livre cartonné sur lequel était inscrit Rembrandt Kabaliste, livre écrit par Rembrandt lui-même soit disant et traduit des années plus tard par Raoul Mourgues. Elle ne saura jamais pourquoi elle a pris ce livre, mais ce qu’elle sait, c’est que le soir, la lecture de ce livre l’a bouleversée. Le livre n’est pas simple, mais pourtant quelques jours après, l’idée de le faire connaître, de le passer à sa façon lui vient. Ce qu’elle sait faire? Du théâtre. Alors, Céline a écrit, et écrit encore. Sept versions au total avant d’en trouver une abordable pour un plus large public, et  d’avantage théâtrale. La version actuelle s’est jouée pendant plusieurs mois durant l’année 2014, dont un mois entier au festival Off d’Avignon. Le spectacle y a d’ailleurs été filmé pour 1 captation TV et DVD.

Le Manuscrit de Rembrandt n’est plus joué actuellement, mais commence sa tournée et pourrait reprendre place dans un théâtre parisien bientôt. Céline nourrit même l’idée d’aller le jouer à Amsterdam, les premiers contacts ont eu lieu récemment d’ailleurs. En attendant les dates de tournée et une éventuelle reprise, et Amsterdam, elle ne chôme pas, et vient de terminer les corrections d’une pièce La vengeance est un plat…. C’est l’histoire d’un chef cuisinier qui décide de se venger d’une critique culinaire qui lui a fait perdre une étoile, à l’aide d’un ami intellectuel. Une farce gourmande. «Ce sera une comédie, mais avec de nombreuses références littéraire sur l’art de la table. Le sens littéraire est toujours là, car j’y suis très sensible, mais à chaque fois, il y a toujours aussi deux degrés de lecture. Pour Le manuscrit de Rembrandt, j’ai des jeunes qui sont venus me voir à la fin pour me dire «Je n’ai pas tout compris, mais cela m’a touché et j’ai adoré ». Cela est très important pour moi, parce que du coup, ils ont envie d’aller plus loin. Cela éveille des choses. J’ai toujours eu envie que les gens s’élèvent à quelque chose, parce que moi-même j’attends ça d’un spectacle, d’un film, d’un livre même si je prends plaisir à un spectacle de divertissement. J’aime que ça m’ouvre des portes, que ça m’oblige à aller un peu plus loin. Alors, je cherche à apporter ça aux gens quand j’écris.».

L’interview s’achève sur une note d’espérance, puisqu’elle m’avoue espérer que Le Manuscrit de Rembrandt soit joué par d’autres plus tard : « Cela voudra dire que le spectacle aura une vie. ».

Petites infos sympas :

  • Céline Duhamel est la voix française de Kelly Rutherford… connu en tant que la Megan Lewis dans Melrose Place.
  • Sa pièce A la table des mots, qu’elle a écrite et mise en scène est régulièrement jouée pour des évènementiels. Plusieurs comédiens se succèdent avec elle.
  • Les luminescences d’Avignon, spectacle où elle prête sa voix, ont été jouées pour la deuxième fois au festival d’Avignon. Un spectacle son et lumière de Bruno Cellier, avec notamment la voix de Francis Huster. Le spectacle est à nouveau programmé l’an prochain.
  • Elle continue à prêter sa voix à de nombreux doublage, jeux vidéo, pub et autres, s’amuse à faire une apparition dans Plus belle la vie (une expérience comme elle dit en riant), prépare un enregistrement accompagné par un orchestre philarmonique et enregistre cette année de nouveau pour un spectacle du Grand Parc du Puy du Fou.
  • Dans un tout autre style, elle s’est lancée  dans l’écriture de MADAME. Tout un programme pour une femme mais dont les récits pourraient être à ne pas mettre entre toutes… les oreilles.
  • Pour en savoir plus : http://www.celineduhamel.fr/