14 ans que Patricia Kaas n’avait pas sorti un album original. Bien sûr durant ces 14 ans, Patricia n’a pas chômé : trois tournées mondiales, l’une pour Sexe Fort, son dernier album de chansons originales, une seconde pour son album Kabaret, un hommage aux femmes des années 30, et une dernière pour Kaas chante Piaf. Bien sûr Patricia a pris son temps pour se reposer, se retrouver et choisir tout ce qui allait composer ce nouvel album, tout simplement appelé Patricia Kaas. 14 ans séparent donc ce nouvel opus de Sexe Fort. Forcément, le stress est là, l’album sera-t-il bon ? A la hauteur du talent habituel que la dame nous offre ? Elle est stressée, ça se voit et elle le dit dans les différents médias qui l’invitent. Nous aussi, on est dans l’attente, stressé, et quand on voit le nombre d’auteurs et compositeurs différents dans cet album, avouons-le, cela ne nous rassure pas vraiment. Pourtant, on se dit que c’est Patricia Kaas qui est aux commandes, sous l’appui de Bertrand Lamblot, (directeur artistique notamment de Johnny Hallyday), donc on se lance, avec hâte, à l’écoute.
L’album commence par la chanson Adèle, écrite et composée par Ben Mazué (ayant 2 albums à son actif). Patricia y dénonce l’égalité homme/femme puisque « Ce sera deux fois plus dur que les autres ». Malgré le refrain répété beaucoup trop de fois, un troisième couplet aurait été préféré, la chanson est jolie et se laisse agréablement écouter.
Cogne est la seconde chanson, écrite par Rose et composée par Rémi Lacroix (travaillant souvent avec Bertrand Lamblot). Le texte est beau et vrai « Si c’est pas ça l’enfer dis-moi, alors c’est quoi ? ». Si Patricia est en enfer, nous, on entrevoit les portes du Paradis puisque la profondeur de la voix de Patricia est sublime.
Madame tout le monde est la troisième chanson. La musique et le rythme, imposés par une liste impressionnante d’adjectifs, se retiennent facilement. Ce n’est pas pour rien que la chanson ait été choisie en second single, d’autant plus que certains passages comme « Pour changer la donne » ou « plutôt femme que madone » nous montrent toute la puissance vocale de Patricia, et on adore ça. Mademoiselle chante le blues est-elle devenue « madame tout le monde qui n’a besoin de personne » ? Ce n’est pas sûr, vu qu’il a fallu quand même deux auteurs et deux compositeurs pour faire cette chanson, qui est certes entrainante et efficace mais pas l’une des meilleures de l’album.
La quatrième chanson, Sans tes mains, est le premier bijou de l’album. Les paroles de Paul Peltier nous parlent d’un amour fini et de la conclusion à celui-ci que « ma vie ne vaut rien sans tes mains ». La musique, composée par Baptiste Bender, donne une émotion supplémentaire, notamment sur la fin avec la voix de Patricia qui est juste prodigieuse. De toute manière, Patricia sait chanter mieux que personne les tristes histoires d’amours. On pardonne même le « la pluie ne lave rien » qui n’est franchement pas très beau, puisque tout le reste est juste parfait pour nous donner la larme à l’œil et des frissons de bonheurs.
La maison en bord de mer est la cinquième chanson et pour plusieurs raisons est le second bijou de cet album. Tout d’abord, le texte magnifique de Pierre Jouishomme parle d’inceste, sujet ô combien délicat à traiter, et fait ici comme il se doit, avec subtilité et réalisme. Ensuite, la musique colle parfaitement au texte et amène Patricia à faire des aigus (parfaits) qui nous prennent aux tripes, un peu comme si on entendait les hurlements intérieurs de la jeune fille dont l’oncle « la force à faire ce qu’elle ne veut pas ». On n’est vraiment pas déçu d’écouter cet album, mais après deux chansons aussi belles, il va être dur de faire mieux.
La sixième chanson, écrite par Pierre-Dominique Burgaud, et composé par Rémi Lacroix, est Embrasse. C’est une jolie ode à la vie qui nous est offert, avec notamment « Aime comme si la mort avait trouvé plus fort ». Elle n’est pas aussi bien que les deux dernières, mais Patricia continue à nous émouvoir et sa voix est vraiment toujours aussi belle.
La septième chanson est Marre de mon amant. La musique est un tendre duo entre piano et violon. Elle est composée par Mirko Banovici, complice d’Arno qui a écrit le texte. Le début des paroles laisse présager une jolie chanson, mais le côté répétitif de Patricia qui en a « marre de son amant… est un charlatan » fait que nous aussi, on finit par en avoir marre. Dommage.
Ben Mazué et Davide Exposito signent la huitième chanson. Sans nous est une nouvelle chanson d’amour dont l’issue n’est pas joyeuse. Cette jolie ballade qui relie les différents processus d’une peine de cœur, de la douleur à l’acceptation, de la décision de passer à autre chose, est donc teintée d’optimisme puisqu’à la fin Patricia dit que « si je m’accroche à la vie, si à nouveau je lui souris, le jour où je t’oublie, je serai guérie ». Nous aussi, on est guéri par la voix de Patricia qu’on n’a, heureusement, pas besoin d’oublier pour sourire à la vie.
Ne l’oublie jamais est la neuvième chanson de l’album, et compte plusieurs noms crédités en tant qu’auteur-compositeur. Là encore, l’amour finit mal. L’amour n’est plus. Là encore, Patricia aime quelqu’un qui ne l’aime plus. Les paroles sont belles comme notamment avec « Comme aimer une énigme sans vouloir la résoudre ». La musique est quelque peu planante et la voix de Patricia nous fait, une nouvelle fois, aimer la chanson.
Le jour et l’heure était le premier single et se trouve en tant que dixième chanson sur l’album. David Verlant (auteur de Jenifer) signe les paroles sur une musique de Rémi Lacroix. Contrairement à ce qu’on a pu lire lors de la sortie de ce single, cette chanson n’est pas un hommage aux attentats de Paris. Elle est plutôt là pour nous dire que « l’on oublie jamais (…) le jour et l’heure » où l’on apprend la perte d’un proche. Ici, la jolie musique aide comme il faut à se rappeler facilement des paroles, simples mais efficaces. Une bonne idée de choix comme premier single.
La langue que je parle est la onzième chanson. Pierre-Dominique Burgaud signe à nouveau un très beau texte, sur une très jolie musique de Daran. On n’a même pas besoin d’évoquer la voix de Patricia pour dire qu’on a ici le troisième bijou de l’album.
Ma météo personnelle, douzième chanson, est plutôt originale. D’abord, Patricia parle dans les couplets, et ça plait, car Patricia fait partie de ces gens qui ont une voix aussi belle parlée que chantée par une profondeur parfaitement maitrisée. L’originalité de la chanson est aussi dans les paroles signées Paul Ecole (auteur de Calogéro). « Je t’envoie l’image satellite de ma météo personnelle ». C’est vrai, pourquoi envoyer toujours des lettres d’amours quand on se fait quitter ? « J’ai des lèvres qui se Gers et les joues qui se Creuse », si niveau orthographe, on a un peu mal à la tête en lisant les paroles, il faut avouer que les jeux de mots sont plutôt bien trouvés. Et, puis, pour une fois, la chanson se finit bien avec « un coup de foudre immédiat (…) les journées s’éclaircissent ».
Ma tristesse est n’importe où est la treizième chanson. Écrite par Katia Landreas sur une musique de Daran, on a le droit à une jolie chanson… mais, beaucoup, beaucoup trop triste. Certes, c’est un peu l’objet de la chanson (voir même de l’album), mais bon… C’est peut-être la manière que Patricia trouve pour nous dire qu’elle sort de dépression et que même quand on est une star adulée, la vie n’est pas toujours facile… Alors, d’accord, on est triste pour elle, on espère qu’elle va s’en sortir, et comme c’est l’avant dernière de l’album, on ne lui en veut pas trop d’une chanson trop déprimante.
On retrouve le duo Pierre-Dominque Burgaud et Rémi Lacroix pour une dernière chanson intitulé Le refuge. Cette chanson, autant dans le texte, dans la musique et dans la voix de Patricia, est tout simplement belle et finit parfaitement l’album.
A quelques semaines de fêter ses 50 ans, après 14 ans sans chansons écrites pour elle, Patricia nous revient donc avec 14 chansons inédites. On avait eu peur au début. Peut-on revenir après 14 ans sans avoir chanter ses propres chansons ? Peut-on arriver à trouver une homogénéité nécessaire à un album quand autant de gens écrivent et composent dans celui-ci ? Eh bien, la réponse est oui. La réponse est oui parce que c’est Patricia Kaas. Ce n’est pas simplement une chanteuse qui se contente de poser sa voix sur des mots sans trop se préoccuper de ce qu’ils disent. Non, Patricia est une interprète, qui donne vie aux mots, qui donne vie aux histoires qu’on lui offre pour nous les offrir à son tour. Patricia est une artiste qui compte plus de 30 ans de carrière et qui sait parfaitement comment faire pour envouter son public.
Alors, s’il est vrai que cet album ne respire pas la joie et la bonne humeur, que Patricia Kaas se rassure, cet album est l’un des meilleurs de sa carrière. Et maintenant, tous les amoureux de sa voix n’ont qu’une seule envie : l’entendre sur scène…, puisqu’après une bonne quinzaine d’écoute, on repart pour l’écouter une bonne vingtaine de fois… !
Madame Patricia Kaas, souriez à la vie, car vous qui chantez si bien les amours qui se terminent, une chose est sûre, votre histoire d’amour avec le public n’est pas prête de se finir. Elle est infinie et éternelle… juste comme votre talent…